« C’est parfait Mme Martin. Votre fille est magnifique. Félicitations » Elle retire ses gants. Pour cette patiente, son travail était fini. Dans l’immédiat en tout cas. Elle retournera la voir ce soir, à la fin de son service. Pour le moment, Juliet laissait Mme Martin dans les mains des infirmières. Et surtout, elle la laissait profiter de sa nouvelle-née. Parce que, pour avoir déjà mis des enfants au monde, Juliet savait que le premier moment entre la mère et l’enfant était primordial. Elle avait vécu ça, Juliet, deux fois. Deux enfants qu’elle avait porté neuf mois, deux grossesses, deux accouchements. Pour une fois, elle s’était retrouvée patiente. Pour une fois, c’est elle qui souffrait tout en subissant les contractions. Et là, elle avait appris. Elle ressentait ce que ces femmes avaient ressenti avant elle.
Elle sort de la salle, satisfaite. Juliet, elle aime son métier. De toute façon, elle avait toujours souhaité devenir sage-femme. Aussi loin qu’elle s’en souvienne en tout cas. « Mme O’Hara ? » Elle lève la tête, ses yeux rivés sur l’inconnu en face d’elle. Il lui dit quelque chose. Mais, elle ne le reconnait pas. Un directeur adjoint peut-être. L’air grave, il n’a pas franchement l’air sympa ce gars. « Oui ? » Elle s’arrête à sa hauteur. Elle sent, il n’est pas là pour plaisanter. « Veuillez me suivre. » Il pourrait au moins lui dire ce qu’il se passe. Elle allait se faire virer ? Elle n’a pourtant pas commis de faute professionnelle. Ou peut-être un cas important, urgent et top secret l’attendait. Peu de chance qu’ils aient choisi Jules pour ça. Elle n’est qu’une sage-femme parmi tant d’autres. Et puis, elle reconnait les couloirs. Elle n’y pénètre pas souvent, ce n’est pas son service. Les soins intensifs, la réanimation. Elle était déjà venue, ici. Donner un coup de main à un chirurgien obstétrique. Mais les patientes présentes dans ce service étaient rarement celles dont Juliet devait s’occuper. Alors, elle se demande ce qu’elle fait ici. « C’est trop tard. » Une infirmière. Jules l’avait reconnue à sa blouse. Trop tard pour quoi ? Pour qui ? De quoi parle-t-elle ? L’homme se retourne vers elle, le regard grave. « Madame, votre conjoint a eu un accident. » Et là, tout s’écroule. Là, elle comprend. Jules, elle s’agrippe à l’infirmière, toujours présente. « Votre fils, Noa était avec lui. » Il marque une pause, un instant de latence qui exaspère Jules. « Toutes mes condoléances ».