✃ Comment êtes vous arrivé au Road's Hope Hospital? Rachel s'est installée à Los Angeles pour le boulot de son mari. C'était il y a plus de quinze ans. Elle venait d'être titularisée et une place avait été laissée vacante au Road's Hope Hospital. Avec la recommandation de son ancien mentor, grand ami du chef de l'époque, elle a eu la place sans trop de soucis.

✃ Quels sont vos pires et meilleurs souvenirs dans cet hôpital ? Son pire souvenir ? Son ex-mari qui déboule dans le hall de l'hôpital en beuglant qu'il souhaite divorcer et emmener les enfants à l'autre bout du pays, loin de la mère toxique et frustrée qu'elle est. Rachel l'a toujours en travers de la gorge. Laver son linge sale en public, c'est une chose, le laver en public devant ses collègues, c'en est une autre.
Son plus beau souvenir est intimement lié au susnommé, puisque voir son mari se faire jeter à la porte par la sécurité lui a procuré un plaisir incomparable. Elle a essayé de soudoyer un gardien pour obtenir une copie de la vidéo surveillance (et se la passer en boucle), sans succès.
De manière générale, à chaque fois qu'elle diagnostique un cancer, c'est un bon souvenir. Ça veut dire qu'elle aura du travail pour les années à venir.

✃ Comment voyez vous votre avenir aujourd'hui? Passionnément chiant et plein de tumeurs monstrueuses. Oui, c'est tout. C'est tout ce dont elle a besoin pour être heureuse.




#01. On l'appelle Dr Sad, parce qu'elle est oncologue, et donc par extension, (souvent) porteuse de mauvaises nouvelles. Une légende dit que partout où elle passe, les sourires trépassent. + #02. Elle est mère de deux adolescents qui vivent chez leur père sur la côte Est. Elle en a perdu la garde lors du divorce, les voit deux fois par an à tout casser et ne s'en porte pas plus mal. Oh détrompez-vous, elle les aime, elle les chérit de tout son petit organe pompeur de sang... Mais surtout quand ils sont loin d'elle. Rachel n'a jamais voulu d'enfants et sa fibre maternelle est aussi développée que le désert de Gobi. + #03. Son service, c'est la chiourme. On pourrait se dire qu'avec tous les cas désespérés, ça serait un peu comme l'instant Thalasso de l'internat. Faut dire ce qui est : accompagner des patients dans un mouroir c'est pas très demandeur en matière grise. Mais non. L'oncologie est une spécialité sombre et pleine de terreurs. + #04. C'est la réincarnation du diable s'habille en prada. Littéralement. Elle arrive toujours à l'hôpital en prada, apprêtée, terriblement classe et surtout très très snob. + #05. Rachel parle peu de sa famille, de sa vie privée en général. On sait pour ses fils, mais c'est uniquement parce que son ex-mari est venu lui péter un câble en live dans le hall de l'hôpital. Sinon, elle a aussi trois frères et une sœur dont elle n'est pas proche (et c'est un euphémisme). + #06. Elle déteste être touchée. Les câlins, une tape sur l'épaule, une poignée de main, non, définitivement non.

« -Wow regarde-moi ça !
-Quoi ? Où ? De qui ?
-La blonde là, avec les nouveaux.
-Mec... Une interne, t'es sérieux là ? Grandis un peu. En plus elle a l'air d'avoir un balai coincé dans le cul.
-J'y coincerai bien autre chose, moi... Hum hum. Si tu vois ce que je veux dire.
-... Eurk. Juste eurk. »

Rachel Sadler. Interne. Bouquins plein les bras. Ambition plein la tête. Un jour, son père lui a dit qu'elle était bonne à rien. Depuis, elle a fait du chemin. Major de promo. Bénéficiaire d'une bourse dans un hôpital côté de San Francisco. Elle n'a plus jamais laissé quelqu'un lui dire que son existence ne valait rien. Sauf lui. Ce gars qui la matait. Ils sont sortis ensemble. Elle l'a aimé, l'a suivi jusqu'à Los Angeles quand on lui a offert une place de conférencier à UCLA. Et puis, elle est retournée à rien. Une "femme de" comme on en voit des tas. Son ambition s'est tue. Ses gosses sont arrivés. Son mari est devenu con (ou elle s'est rendue compte qu'il était con, plutôt). Et elle a divorcé. Parce qu'il la trompait. Parce qu'il lui criait trop fort dessus. Parce qu'elle ne voulait plus jouer la bobonne de service. Ses enfants ? Ils ont toujours préféré papa. Allez savoir pourquoi.

« -Eh maman ?
-Oui mon poussin ?
-Pourquoi on te voit plus ?
-Parce que papa ne supporte pas que maman fasse quelque chose de sa vie.
-Je comprends pas...
-Tu veux savoir ? C'est un fumier.
-Un quoi ?
-Un furet, je voulais dire un furet. Papa est un furet. » 

Elle les aime, ses gosses. Sauf qu'elle aime sa liberté d'avantage encore. Et son ex-mari ne s'est pas gêné pour lui extorquer une sacrée pension alimentaire. En plus de la faire passer pour une égocentrique vénale qui n'a d'yeux que pour sa carrière. Et c'est pas parce que c'est vrai que c'est une raison. Rachel Sadler. Titulaire en oncologie. Des cancers plein les bras. De l'ambition plein la tête. Divorcée mais heureuse.

« -C'est vraiment le jour et la nuit ces deux-là.
-Et comment. Sad et Joy, ç'aura jamais été autant à propos. Haha.
-J'sais même pas comment elles font pour aussi bien s'entendre. C'est fou.
-L'amitié a ses raisons que la raison ignore.
-Ta gueule Warner. Juste ta gueule. »  

Il y a Rachel Sadler. Alias Dr Sad. Et il y a Joyrich. Alias Dr Joy. L'une est oncologue, l'autre est obstétricienne. L'une est flippante, l'autre est rayonnante. On pourrait faire tout un tas de comparaisons comme ça. Mais ça n'en finirait jamais. Quand Joyrich est arrivée dans le service de Sadler pour un patient commun, pimpante et souriante, les internes ont vite pris les paris sur le temps que tiendrait Sad à envoyer chier Joy. Vous savez quoi ? Ils attendent toujours.

« -Alors le mouroir, c'était comment ?
-... Mort ? Et par mort, je veux pas dire mort mort, plutôt mort morbide macabre dérangeant, tu vois ?
-T'as rencontré le docteur Sad, toi... »

Quand elle sort d'une pièce, en général, quelqu'un se met à pleurer. De joie ou de tristesse, peu importe. Quelqu'un pleure. Et comme c'est plus souvent de tristesse, on s'est mis à l'appeler docteur Sad. Docteur Triste. Le grand paradoxe, c'est qu'on dirait qu'elle est contente de diagnostiquer des cancers. Elle ne le montre pas aux familles. Elle compatit, verse parfois deux trois larmes. Et ça passe crème. C'est subtile. C'est discret. Personne ne remarque. L'histoire aurait pu s'arrêter là. Mais non. Ça ne s'arrête pas là. Rachel Sadler. Chef du service d'oncologie. Ou docteur Sad, celle qui offre de trinquer pour partager sa joie. Celle qui, dans son bureau, trinque avec ses subordonnés quand elle diagnostique un cancer.