Percival hésitait vraiment sur la manière de la présenter. Dernièrement, leurs sorties, qui pourtant étaient le plus généralement délicieuse s’était transformées en moments gênants. Voir un homme de son âge, se balader avec une femme aussi jeune … Si le regard des autres importait peu, le fait qu’ils travaillent ensemble était un tout autre problème. Malgré le fait qu’il ait toujours voulu garder leur relation amicale au possible, il ne pouvait nier l’évidence : elle l’attirait énormément. Il s’en voulait, par rapport à sa femme, qui était certes inerte mais qui restait tout de même sa femme. Leur différence d’âge représentait aussi un frein dans toute hypothétique relation. D’ordinaire, Percival exécrait ce genre d’hommes qui se vantaient aux bras de jeunes femmes aussi charmantes que vénales. Mais leur situation n’était pas commune.  Il avait invité la jeune femme à dîner au restaurant. Il aimait la compagnie de Paige, il adorait discuter avec elle. Il l’aurait très certainement déjà embrassée depuis très longtemps si autant d’obstacles ne leur barraient la route. Mais au sortir de ce dîner, qui s’était parfaitement déroulé, ils rencontrèrent un des collègues de Percival « - Bonsoir Docteur Hellstrom, vous avez l’air de bien vous porter … » ce dernier avait lancé un regard interrogateur sur Paige, comme si il soupçonnait quelque chose entre eux « - Docteur Carlson ravi de vous voir, comment va votre femme ? » « - Oh vous savez ma femme … Mais je vois que vous êtes en charmante compagnie … » « - Oh mademoiselle O’Hara ? Elle ne veut rien dire ! Nous venons seulement à l’instant de nous croiser et il n’y a rien du tout, je veux dire je suis marié … » Il tentait presque de se convaincre lui-même de son mensonge, mais son collègue lui même n’y croyait pas une seule seconde : « - Ah et bien si vous le dîtes … Et bien à une prochaine fois Percival … Mademoiselle … » Le voilà qui s'en allait et la situation était on ne peut plus gênante, Percival n’osait même pas affronter la jeune femme du regard. Il savait que sur le coup, il avait fauté. Et tandis qu’ils marchaient, un silence s’était installé entre eux, un silence qui ne s’était jamais présenté auparavant. C’était un de ces silences lourds et pesants, dont on ne savait pas comment en sortir. "-Pardon."

Depuis bien longtemps maintenant j’appréciais la compagnie de Percival. Il représentait beaucoup pour moi. J’avais toujours été tendance à être attiré par les hommes plus vieux que moi. Cependant, jamais je n’avais ressenti des choses aussi fortes envers un homme avec une telle différence d’âge. Au départ, je ne pensais que ce n’était qu’un béguin qui viendrait à disparaître rapidement. Cependant, ce n’avait pas été le cas. Plus j’apprenais à connaître Percival, plus il occupait mes pensées. J’essayais de lui faire comprendre ce que je ressentais mais Percival faisait comme si de rien n’était. Nous étions bloqués au stade amical et à défaut de pouvoir aller plus loin, j’acceptais cette condition. Bien entendu, je gardais toujours l’espoir.

Ce soir, nous avions prévu de diner ensemble. Comme toujours, je pris un grand soin à m’habiller. Je me ferais coquette et séduisante sans paraître trop apprêté ni tomber dans le vulgaire. Un maquillage simple et frais, je portais une robe bleue claire avec un léger décolleté et des sandalettes à talon. Je complétais ma tenue d’un gilet blanc, de bijoux dorés et d’un chignon haut légèrement négligé. Mine de rien, ce genre de look qui se voulait l’air de rien prenait des heures à réaliser. N’était-ce pas une ironie ?

Si le dîner se passa à merveille, la sortie eue le don de me créer une douche froide. Il fallut une rencontre avec une connaissance du travail pour que tout bascule. J’étais profondément choquée et outrée par les propos tenus par Percival à mon égard. Bouillonnant intérieurement, je le laissais terminer sa conversation. Serrant le point, j’essayais de ne pas m’emporter ? Je fis plusieurs pas en silence avant que sa première parole ne me fasse exploser.

Je me tournais vers lui ne cachant pas ma colère dans mon regard. J’avais bien conscience que je n’étais qu’une amie, mais j’étais une amie et pas rien. « C’est tout ce que tu trouves à dire ? Tu crois réellement que je mérite d’être présentée comme rien ? » Je n’arrivais pas à comprendre les paroles de Percival. Je n’arrivais pas à comprendre comment il avait pu se montrer aussi blessant.

La honte, ce n’était pas assez pour décrire ce que ressentais le chirurgien sur le moment. Tout ce la ne lui ressemblait pas, c’était totalement contre nature et la scène qui venait de se produire, il ne pouvait s’en prendre qu’à lui-même. Il n’osait même pas la regardée dans les yeux, mais il sentait la colère de Paige. Elle avait raison, il s’était conduit en goujat, il aurait pu évacué le sujet, mais pour se sauver lui, il l’avait dénigrée. Si il estimait que c’était une amie, dès lors il ne s’était pas du tout conduit en ami sur le coup. Mais il tentait de se défendre, coûte que coûte, tentant de garder la face : « - Et qu’est-ce que je pouvais bien dire d’autre ? Je savais que c’était une mauvaise idée. » Un constat qu’il venait de faire en grommelant, tentant de se cacher derrière son accent. Oui, de côtoyer une femme aussi jeune, même si il voulait garder un cadre amical, c’était risqué. Surtout qu’il éprouvait plus pour elle et que leur relation ne cessait d’évoluer dans une sorte de bouillie de non-dits qui le mettait mal à l’aise, surtout par rapport à son épouse. Ils étaient dans la rue, il la fuyait du regard. Il avait tort, il n’y avait pas débat. « - Je suis désolé, je ne voulais ni te vexer ni te rabaisser. C’est juste que … » Les mots, il n’arrivait même pas à les prononcer. Il ne savait pas quoi dire sans se trahir, sans penser aux répercussions, sans voir l’ombre de son mariage planer sur eux. Il ne voyait qu’une impasse à ce qu’il pouvait ressentir sur le moment.  « - Il n’est pas habituel que je traîne avec des personnes … aussi jeune que toi. Et certaines personnes pourraient interpréter de la mauvaise façon nos sorties … entre amis. » Il voulait se convaincre qu’ils n’étaient que ça, ils le voulaient désespérément. Mais l’intonation de sa voix, son regard, absolument tout le trahissait : il n’était pas un bon menteur, ne l’a d’ailleurs jamais été.

Je n’arrivais pas à suivre Percival. Il ne semblait pas voir la problématique face à ce qu’il venait de se passer. Outrée, je restais silencieuse alors qu’il se dépatouillait avec lui-même et parlait dans sa barbe. « Parce qu’en lui disant que je n’étais personne tu crois réellement que tu n’as pas fait le contraire ? » Je savais qu’il avait un problème avec mon âge alors que je n’avais pas peur de notre écart. Mais jusqu’à présent, je respectais cela, mais Percival se créer des problèmes et des craintes là où il n’y en avait pas. « Tu as fait tout le contraire. » Il avait simplement agit comme si on l’avait pris entrain de tromper sa femme. Je fis un mouvement d’agacement des mains avant de commencer à partir.

Je finis par revenir au bout de quelques secondes. « Tu peux avoir des amies plus jeune que toi ! Tu sais, les gens peuvent aussi penser que je suis ta fille avant de penser que tu trompes ta femme… qui au passage, n’en a rien à faire ! » Je venais de m’emporter mais cela avait été plus fort que moi. « Tu crois pas que c’est pas déjà suffisamment difficile de n’être que ton amie ? Tu pourrais au moins assumer l’amitié que nous avons ! » Jusqu’à preuve du contraire, on ne faisait rien de mal.

Mais ce qui me rendait folle c’était que même si toute cette histoire m’était difficile, je ne pouvais pas m’en passer. Je ressentais le besoin de passer des moments avec Percival même si cela me faisait bien souvent souffrir par la suite car dans l’instant présent, cela me faisait tellement du bien. Secouant négativement la tête, j’essayais de faire passer mon émotion qui m’envahissait. Je me refusais de craquer car je ne voulais rien avouer. Je voulais paraître forte.