Comment souvent, j’avais prévu de déjeuner avec Lucia. Elle était ma meilleure amie et je devais reconnaître que je la voyais bien plus souvent que mes propres parents. Elle était en quelque sorte ma famille de cœur. Pour ce jour, le rendez-vous était pour la cafet de l’hôpital. Il fallait dire que ma semaine était particulièrement chargée avec l’arrivée des nouveaux internes. Car oui, les infirmières ont plus de boulot. Je n’aimais pas les internes, ils se sentaient soudainement tellement plus puissant et prétentieux. Mais ils finissaient toujours par comprendre l’importance des infirmières et ils redescendaient sur terre. La matinée était passée relativement vite, comme toujours, il faut le reconnaître. Il n’y avait que des opérations de routine et je devais reconnaître apprécier. L’adrénaline et les opérations d’urgence, c’est sympa et « cool » aussi, mais parfois le calme d’une opération banale est tellement agréable. Qui plus est, cela me permettait de sortir pour le déjeuner, donc c’était tout à fait parfait.

A la sortie du bloc, je vis le sms de Lucia étant arrivée après mettre lavée les mains. Sans plus attendre, je marchais d’un pas énergique qui m’était habituelle en direction de l’ascenseur puis de l’entrée de l’hôpital. Je vis Lucia et je m’approchais un peu plus rapidement, presque en courant avant de l’enlacer. Nous étions particulière proche et tactile, pour le plus grand plaisir de certains collègues pervers. « Arrêtes. » dis-je dans un rire alors que Lucia allait fort sur les compliments. « Je meurs de faim et toi ? » lui répondis-je finalement alors que je cessais notre étreinte et nous dirigeait vers la cafet. Il y avait meilleur que cet endroit mais avec une pause d’une heure, je ne pouvais malheureusement pas me permettre d’aller bien loin. Une fois dans le restaurant, on commença à faire la queue pour prendre nos plateaux. J’observais quelques instants Lucia. « Tu as les yeux rouges, tu as bien dormi cette nuit ? » demandais-je inquiète.

Je sentie Lucia surprise face à ma question. Il fallait dire que je la prenais de court, mais j’étais comme cela. Parfois, il me manquait de la diplomatie même si j’essayais de rester le plus doux possible. Mon côté observateur et mon naturel parfois fougueux donnait parfois se résultat. Mais je ne me serais pas permis ce genre de remarque avec tout le monde. Je le faisais parce que j’aimais énormément Lucia et l’idée qu’elle puisse avoir un problème ne me plaisait pas. Elle m’expliqua que ses yeux étaient irrités et qu’elle avait négligé le médecin. Je ne pu m’empêcher un regard désapprobateur à sa dernière remarque. Elle savait à quel point je trouvais qu’il était important de ne pas hésiter à consulter même si parfois cela rendait la charge de travail plus lourde. J’avais tellement vu des destins basculés car tout paraissait minime.

J’avançais attrapant un plateau plus les couverts avant de pouvoir enfin le poser sur le taille. « Si tu veux que je regarde, je peux le faire, tu sais. » Je posais mon regard sur la jeune femme avant qu’elle ne décide d’aborder un autre sujet. Celui de Percival. Instinctivement je me mis à rougir. Je me sentais mal à l’aise à parler de cela ici même si personne n’était au courant de rien, parfois j’entendais des bruits de couloir sur notre proximité. « Oh je sais pas. » dis-je tristement. Car si j’étais sincèrement amoureuse de cet homme, il ne semblait pas capable de vivre pour lui. J’attrapais une assiette de sandwich puis le dessert avant de faire la queue pour payer. « Il ne semble pas vouloir aller vers autre chose que l’amitié. Cela en devient blessant car je sens bien à la façon dont il me regarde que ce n’est pas que de l’amitié. » Bon sang, je ne me faisais pas des films.

Lucia affirma que ce n’était rien et qu’elle me ferait perdre mon temps. J’eu un mouvement négatif de la tête. « Tu ne me feras pas perdre de temps. » J’eu un léger sourire. « Mais c’est toi qui voit. » Je ne pouvais pas forcément ma meilleure amie à faire quelque chose pour sa santé. Elle était indépendante et libre de faire les choix de sa vie. Je faisais toujours en sorte de ne pas juger. Ce n’était pas toujours facile, surtout avec certaines personnes mais j’essayais un maximum de suivre cette philosophie. Je ne pouvais donc que conseiller Lucia en espérant intérieurement qu’elle suive ce que j’avais à dire, comme je l’avais fait pour ma grande sœur Juliet. Cependant, j’étais loin de me douter que cela soit aussi grave qu’elle ne me le laissait croire.

Le sujet changé, j’avais payé tout en ayant confié ma frustration à propos de Percival. Je ne le comprenais de moins en moins, pourtant, passer du temps avec lui m’était devenu indispensable. C’était assez paradoxal, je devais bien le reconnaître. M’installant à table, j’écoutais ce que me disais ma meilleure amie. Je failli m’étouffer face à la proposition de Lucia. Après avoir bu un verre d’eau, j’eu un rire. « Tu es folle. » Je secouais négativement la tête. « Je ne prendrais pas ce risque, j’ai trop peur qu’il se braque. Je sais bien pourquoi il est retissant. C’est vis à vis de sa femme. » Je fis une pause.

« Il ne me l’a jamais avoué mais il se semble coupable de l’état de femme et cela l’empêche de vivre. » C’était tellement triste et dommage. Il était loyal et c’était beau à voir mais il avait simplement cessé de vivre et ce n’était pas une bonne chose. J’avais un temps cru que j’arriverais à le faire revivre mais à présent j’en doutais. « Je crois que je vais peut être sortir avec un collègue. Peut être que cela le rendra jaloux. » Et bon sang, qu’est-ce que je voulais que cela le rende jaloux. Cela serait pour moi la preuve que je compte pour lui et peut être que cela le réveillera. « J’aimerais parfois m’en détacher, mais bon sang, il est comme une drogue. » dis-je en lâchant un long soupire.

Les paroles de Lucia étaient cruellement justes. Elle avait trouvé les mots justes. Un mur digne de celui de Berlin, c’était clair. Mais je ne trouvais pas les outils nécessaires pour le démolir et c’était particulièrement frustrant à mon goût. Je ne faisais que gratter la surface et clairement pas de trou plus grand que celui d’une souris. Pourquoi est-ce que je ne me sentais pas capable d’être suffisamment forte pour faire ce qu’elle me disait. Traverser l’hôpital, tout renverser sur le bureau de Percival et l’embrasser. Mais je n’étais pas suffisamment sûr de moi pour être capable de faire ce genre de chose.

J’eu un sourire coquin quand elle me parla du docteur Pednekar. « Ah oui ? Dis-moi tout. » Il m’en fallait pas beaucoup pour attiser ma curiosité. J’étais curieuse dans savoir plus puisque c’était la première fois que Lucia me parlait d’un médecin de l’hôpital. Et cela faisait très longtemps que je ne l’avais pas vu fréquenter qui que ce soit. C’était donc naturel pour moi de m’intéresser aux moindres prénoms masculins que Lucia prononçait. La réflexion suivante de Lucia me laissa pensive quelques instants. « Ecoute, si jamais cela ne le fait pas réagir, peut être que cela me fera prendre conscience que je dois vivre pour moi. » Peut être que je pouvais me détacher ainsi de cet attachement infernal.

Buvant une longue gorgée de ma bouteille d’eau, j’écoutais toujours Lucia et je remarquais un changement dans sa façon de parler à ses dernières paroles. Posant ma bouteille d’eau, je fronçais à nouveau les sourcils. « Tu entends quoi par là ? » Soudainement, je me disais que quelque chose ne devait pas aller aux vues de sa façon de parler. Il ne m’en fallait pas beaucoup pour m’inquiéter mais je préférais toujours trop m’alerter que d’ignorer et finalement rater les choses les plus importantes. « Tu es certaine que tout va bien ? » lui demandais-je finalement clairement tout en déballant mon sandwich pour donner un effet moins dramatique à ma question.