Il soupira. Le pire moment de ses journées étaient vraiment ceux où il devait entrer les informations de certaines opérations sur le serveur général de l’hôpital. C’était bien au médecin de les faires, même si Anurag avait une écriture assez claire et qu’il se demandait pourquoi une infirmière ne s’en occupait pas. Aller, il avait bientôt fini. Ensuite il pourrait aller manger avant de retourner travailler. Il bougea la souris, cliqua sur la deuxième colonne et rajouta quelques donnés numérique avant d’appuyer sur entrée. Un logo de chargement s’afficha avant d’afficher un texte de validation. Voilà, c’était fait, qu’on en parle plus ! Il glissa sur son siège et se pressa de quitter l’étage en se dirigeant vers l’ascenseur. Il en profita pour vérifier qu’il avait bel et bien son paquet de cigarette dans la poche. Mais bien évidemment, aucun briquet avec lui. Il y avait des jours comme ça où tout semblait aller de travers. Vraiment. Faisant demi-tour, Anurag fit le tour du bureau central pour chercher dans les tiroirs. « - Un jour, il va bien falloir arrêter, Mr Pedneker. » Il leva la tête, observant Lola, l’une des sages-femmes qui avait vu Anurag évolué à l’hôpital depuis ses tout premiers pas. Elle n’allait plus tarder à partir en retraire, mais c’était toujours un plaisir de la voir dans le coin. « - Pednekar. Arr. Ce n’est pourtant pas compliqué. » Il continua de chercher, mais un petit bruit l’arrêta. Elle venait de sortir un briquet. « - Fumer tue. » Il haussa les épaules. « - La vie elle-même tue. » Il offrit un sourire, esquivant quelques personnes puis marcha de nouveau en direction de l’ascenseur.

Au moment où il appuya pour faire venir la machine, il croisa le regard d’Hayley. « - Pourquoi tu me regardes comme ça ? Je n’ai pas volé de café chez les infirmières pour une fois. » Non coupable. C’était pourtant une chose qu’il faisait souvent. Il allait dans la salle des infirmières et se servaient de leur café le trouvant plus « gouteux. » Pour un indien, il n’était pas du tout adepte du thé. Ou plutôt du thaï. « - T’as une pause ? » Il lui dévoilé le briquet qu’il avait en main. Il comptait sortir prendre l’air. Il en avait besoin. Et puis les prochaines heures allaient être pénibles, longues. Anurag n’était pas connue pour faire des pauses, c’était un acharné. Il avait déjà enchainé les heures de services sans problème, comme si le sommeil était une chose superficielle. Mais Hayley le connaissait sans doute mieux que n’importe qui dans cet hôpital. Elle savait bien qu’il était du genre à tuer pour un week-end au lit. Elle était cependant l’époque du lycée. L’époque ou tout ce qui comptait, c’était d’avoir les meilleures notes pour faire plaisir à ses parents. Maintenant Anurag faisait tout pour lui, il désirait être le meilleur pour lui.

L’ascenseur s’arrêta, les portes s’ouvrirent mais Anurag fixait toujours son amie. « - Ça va ? » Quelque chose clochait.

Finalement il rangea son briquet dans sa poche, silencieux. Les portes de l’ascenseur s’ouvrirent et dévoilèrent à Anurag et son amie de l’espace vide, rien que pour eux. Comme si quelqu’un avait pressenti ce moment, comme si c’était l’occasion idéal pour parler. L’Indien connaissait Hayley par cœur. Vraiment. Son côté observateur savait lire à travers ses mimiques et ses signes. Il savait ce que ses regards voulaient dire, ce que ses gestes voulaient et là tout de suite il se doutait que quelque chose n’allait pas. Comme s’il y avait une information, quelque chose dans l’esprit d’Hayley qu’elle avait besoin de dire, de partager. Les secrets n’étaient jamais faciles à porter et Anurag avait l’impression qu’Hayley était sur le point de lui dire quelque chose. Il suivi donc la jeune femme, lançant rapidement quelques coups d’œil pour être certain que tout ceci resterait privée. Finalement, quand les portes se refermèrent, il se tourna entièrement vers Hayley attendant qu’elle prenne la parole. Quoi qu’elle dise, il pouvait encaisser. Il savait. Et dans tous les cas il serait là. Il l’aiderait

« - Qu’est-ce qu’il y a ? » Il ne sait pas pourquoi, il s’attend au pire. Hayley n’était pas du genre à être une source de problème, mais son air sérieux prouvait bien que c’était quelque chose de difficile à dire. Finalement, Anurag compris. « - T’es en retard depuis quand ? » Il connaissait parfaitement la situation de son amie et recula d’un pas pour observer Hayley de haut en bas. Ses seins n’avaient pas forcément trop grossi, ayant déjà été enceinte par le passé, son corps avait déjà changé. Il savait cependant ce que cette grossesse imprévue devait représenter, surtout depuis le départ Cameron. Anurag ne savait pas tous les détails de cette rupture, mais si cet enfant devait être de quelqu’un, il savait parfaitement de qui. « - Tu veux qu’on fasse une prise de sang ? » Il se rapprocha de nouveau, posant le dos de sa main sur son front. Si fécondation il y a eu et si cela faisait moins de deux semaines, alors sa température était légèrement plus élevée que d’habitude. Il retira sa main, posa ses yeux sur Hayley.

« - Je peux aller au labo chercherait ce qu’il me faut et faire ça dans un coin tranquille si tu veux… » Une prise de sang permettait de savoir le taux d’hormone HCG présent dans le corp. Un moyen infaillible de savoir si Hayley était vraiment enceinte, mais visiblement elle avait déjà tous les symptômes. Il tenta d’offrir un regard rassurant à Hayley. « - On va faire ça rapidement, ne t’inquiète pas. » Clairement, il laissait tomber sa pause cigarette et se concentrait déjà dans sa future tâche. L’instinct d’Hayley était généralement bon, il savait donc que ce n’était qu’une question de confirmation, comme elle le disait si bien. « - Le père… » Il ne savait pas s’il pouvait vraiment en parler à ce stade-là. « - Enfin le potentiel père, quoi que je pense aussi que tu as tes chances d’être enceinte, mais… » Quand Anurag était nerveux, ce qui était rare, il disait n’importe quoi. Hayley était bien l’une des rares à avoir le droit à ce côté-là. « - C’est… Cameron ? »

L’hôpital, c’était un peu une famille. Il y avait des hauts et des bas, des secrets, des vérités. Anurag le sait et c’est sans doute ce qui lui fait encore le plus peur aujourd’hui. Il ne veut pas se sentir étouffé par le regard des autres, par le fait que des personnes qu’il n’apprécie pas ou ne connait pas, sache tout de lui. Pourtant lorsque son mariage avait été annulé, tout l’hôpital en a parlé. Les regards se sont tournés vers lui. Et les rumeurs ! Magnifique ! Il avait tout entendu, tout encaissé, sans un mot. C’était parfois tellement stupide, tellement ridicule. Mais travailler dans un hôpital, c’était y vivre. Alors forcément, votre vie n’était parfois pas un mystère. Les gens savaient, et vite et c’était déstabilisant. Alors Anurag prenait le soin de ne pas s’attacher inutilement. De garder ses distances. De rester aimable sans pour autant trop en dévoiler. Mais il avait des amis, comme tout le monde. Des gens qu’il appréciait sincèrement et Hayley en faisait partie. Cette une connaissance de longue date, c’était une partie de son histoire. Il lui faisait confiance et c’était réciproque. Ils n’allaient pas gâcher leur longue amitié comme des enfants, ils pouvaient réellement compter l’un sur l’autre. Alors quand elle lui avoua ses doutes et ses certitudes, Anurag fit vite. Il savait que plus il prendrait son temps, plus ça augmenterait son stress et ce n’était pas ce qu’il voulait.

Si elle ne doutait pas, c’est qu’elle avait fait quelques choses et que le timing correspondait. « - On va regarder ça quand même, on ne sait jamais. » Il tenta de sourire, d’être rassurant. Il savait bien qu’elle avait 75% de chance d’être enceinte, rien qu’avec le petit diagnostic qu’il faisait là, dans l’ascenseur. Tout comme il savait que le corps était parfois menteur. Il préférait rester dans la zone de flou pour le moment, ne voulant pas qu’Hayley panique. Si elle venait le voir, c’était parce qu’elle voulait sa chance de « ne pas être enceinte ». C’est parce qu’une partie d’elle ne voulait pas de cette situation et il pouvait le comprendre.

Tout de suite, il prépara mentalement ce dont il aurait besoin pour une prise de sang. Regardant les portes de l’ascenseur il était prêt à prendre le chemin vers le labo le plus proche pour prendre les affaires nécessaires. Mais Anurag n’était pas insensible. Il savait. Il savait l’histoire difficile qu’Hayley avait vécu avec Cameron. Il connaissait son histoire et il gardait précieusement les informations pour lui-même. Mais il savait aussi qu’il imaginait mal Hayley couchait un soir avec un inconnu. Ce n’était pas ce genre de fille. Alors forcément… ça ne pouvait être que lui.

Soudain les portes s’ouvrirent et un médecin entra. Anurag n’était pas le genre à saluer ou à sourire à n’importe qui, alors il se laissa tirer par Hayley quittant la machine qui se referma derrière eux. Sans s’arrêter, la jeune femme le tire vers une salle vide et l’indien se laissa faire. Maintenant qu’ils étaient au calme, la porte fermé, Hayley s’installa et Anurag croisa les bras tout en restant debout. Il attendait sa réponse.

« - Un moment de faiblesse. C’était un moment de faiblesse. Mais ce n’est pas grave, tu peux pas t’en vouloir pour ça, d’accord ? » Anurag tira une chaise et s’installa devant Hayley. Elle aimait encore Cameron, mais leur histoire était compliquée. Et en sept mois il avait sans doute tourner la page ou fait autre chose ou même commencer une nouvelle relation. « - Ecoute, on va faire la prise de sang, d’accord ? Et on avisera. Je sais que ce n’était pas prévu, que c’était pas ce que tu voulais maintenant, mais tu prendras les décisions qu’il faudra, le moment venu. »